Le Parlement européen adopte la directive sur le droit d’auteur à l’heure du numérique (Next Inpact)

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Update 26.03.2019 : Le Parlement européen se soumet aux lobbys des ayants droit  (LQDN)

Directive Copyright 26 03 2019

Le Parlement européen a adopté à une large majorité la proposition de directive sur le droit d’auteur. Par 348 voix pour et 274 contre. Premières réactions.

Les eurodéputés ont adopté peu après 12h30 la proposition de directive sur le droit d’auteur. Le texte touche à la fin de son périple européen. Ne manque plus qu’une adoption formelle de la part des ministres de chaque État membre.

Juste avant ce vote d’ensemble, les eurodéputés ont refusé d’ouvrir le couvercle des nombreux amendements qui pouvaient encore être discutés individuellement aujourd’hui. Ce vote intermédiaire s’est joué à 5 voix près (312 pour, 317 contre).

Deux principales dispositions ont cristallisé les oppositions.

Le contrôle des contenus sur les plateformes d'hébergement

L’article 13 d’abord rend obligatoires les mesures de filtrage chez les hébergeurs de contenus. Le texte a été présenté pour lutter contre les grandes plateformes américaines, accusées d’assécher la création et de spolier l’industrie culturelle.

Cependant, les critères mis en œuvre, très techniques, vont permettre d’appliquer des mesures de restriction d’accès même chez les startups, du moins celles de plus de trois ans d’âge ou celles dépassant les 5 millions de visiteurs uniques par mois. Il est maintenant à craindre que ces plus petits acteurs se retrouvent finalement à utiliser les solutions des géants américains comme ContentID de Google pour se protéger juridiquement d’une responsabilité directe sur les contenus mis en ligne par les internautes. 

Pour les sociétés de gestion collective, c’est une excellente affaire remarquait Me Ronan Hardouin dans nos colonnes, puisque celles-ci vont pouvoir signer des accords de licence en gonflant davantage le torse. Les plateformes non assez généreuses se verront soumises à un risque juridique beaucoup plus important en cas d’absence de licence. 

Ajoutons que l’article 13 va permettre de « licéiter » un maximum de contenus sur les solutions d’hébergement et de partages, permettant dans un deuxième temps d’augmenter le montant de la redevance pour copie privée via le levier du stream ripping. 

Next INpact a présenté l’article 13 dans ce schéma, à consulter avec celui mis en ligne par Pierre Beyssac. 

Crédits : Next INpact (licence: CC by SA 3.0)

Un droit voisin pour les éditeurs de presse, des résidus pour les journalistes 

Le texte prévoit également l’instauration d’un droit voisin pour les éditeurs de presse. Il justifiera l’instauration d’un droit à compensation et donc rémunération des propriétaires de journaux pour le référencement ou l’usage d’extraits par les services en ligne dépassant une limite qui reste à définir. Il est prévu que les journalistes touchent des résidus de ces montants.

Naturellement, l’instauration d’un tel droit voisin va conduire les éditeurs à se jeter davantage encore dans la bouche des géants du Net puisque plus ils y seront référencés, plus ils toucheront.

Le texte est une directive, rien qu’une directive. Pour être applicable, il exige maintenant le vote d’une loi de transposition dans chacun des États membres. Les pays les plus à la pointe de la protection du droit d’auteur, France comprise, pourront maintenant pousser au plus loin les obligations pesant sur les plateformes en ligne en faveur de l’industrie culturelle.

En France, une proposition sur les droits voisins a d’ailleurs déjà été adoptée par le Sénat en janvier dernier. Portée par le sénateur PS Davis Assouline, elle n’aura plus qu’à être remaniée à l’Assemblée nationale pour être en harmonie avec la nouvelle directive sur le droit d’auteur.

Franck Riester n’avait pas dit autre chose lors de la discussion générale : « Si la directive était adoptée prochainement, votre texte pourrait servir de base à sa transposition », prévenait-il en séance. 

La logique de ce droit peut s’anticiper facilement : les montants seront négociés entre éditeurs et plateformes, ou bien par une commission administrative, singeant celle dédiée à la redevance pour copie privée. Elle pourra intervenir pour établir des barèmes de perception que les plateformes devront payer.

Les premières réactions

Les réactions à l’adoption de la directive n’ont pas tardé. Pour L’ARP, une société de gestion collective, ce vote consacre une « nouvelle étape historique pour l'exception culturelle ». Voilà un texte qui permet à l’Europe de réaffirmer « sa souveraineté culturelle et politique face à la domination des géants d'Internet ».

Elle estime toutefois que « pour que cette victoire reste réelle », il est impératif de ne « pas transiger sur le respect total et par tous, opérateurs français et étrangers, du droit d’auteur et de l’ensemble de ses principes fondamentaux, dont le droit moral ». En somme à une application extrêmement vaste du texte à l’échelle mondiale, du moins pour les plateformes qui viseraient le marché européen.

Dans un tweet, Julia Reda décrit au contraire un « jour sombre pour la liberté sur Internet ». L’élue, farouche opposante aux deux piliers du texte, promet de diffuser la liste des votants afin que chacun puisse se faire une idée.

Pour le CISAC, lobby qui réunit les SACEM de plusieurs pays, « l'Union européenne a jeté les bases d’un environnement numérique meilleur et plus équitable où les créateurs veulent être en mesure de négocier des redevances de licence équitables ». Dès à présent, il espère que le texte fera tache d’huile dans des pays tiers à l’UE.

Le CCIA, lobby des géants du numérique, préfère dépeindre une occasion perdue pour l’Europe. « La directive est disproportionnée », juge l’organisation qui a plusieurs fois fait connaître ses inquiétudes concernant le droit voisin des éditeurs de presse (article 11, devenu article 15) et les filtres de téléchargement (article 13, devenu article 17).

« Malgré des améliorations récentes, la directive ne crée pas un cadre équilibré et moderne pour le droit d'auteur. Nous craignons que cela nuise à l'innovation en ligne et limite les libertés en ligne en Europe. Nous exhortons les États membres à évaluer en profondeur pour essayer de minimiser les conséquences du texte lors de sa mise en œuvre » insiste Maud Sacquet, l'une des reponsables affaires publiques à la CCIA.

Source : Nextinpact.com

Information complémentaire : Crashdebug.fr : La Quadrature du Net appelle le Parlement européen à rejeter la directive sur le droit d’auteur ! (LQDN)


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