Macron rouvre les écoles : les dessous d’une décision très politique... et très risquée (Marianne.net)

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Bon et bien voilà, vous allez tout comprendre des raisons de ce déconfinement précoce. C'est ce que l'on pensait aussi, et ça rejoint le billet précédent. Mais si l'on prend un regard plus large, on peut aborder le côté spirituel, et c'est là que cela prend tout son sens. Mais pas seulement, il y a aussi des enfants qui sont laissés à eux-mêmes, et qui de facto sans école sont en rupture avec l'État, et ça, ça les inquiète, et on comprend pourquoi.

Amitiés,

f.

Macron Ecole 23 04 2020
Jean-Michel Blanquer doit mettre en œuvre la décision présidentielle de rouvrir progressivement les écoles à partir du
11 mai. - LUDOVIC MARIN / POOL / AFP

Emmanuel Macron a choisi le retour dans les établissements scolaires le 11 mai comme symbole de la fin du confinement. Mais derrière cette décision politique, l’intendance peine à suivre…

Les profs et les enfants d’abord. Après avoir amorcé le confinement en ordonnant la fermeture des écoles, Emmanuel Macron a décidé de démarrer le déconfinement par leur réouverture. « A partir du 11 mai, nous rouvrirons progressivement les crèches, les écoles, les collèges et les lycées », a-t-il expliqué lors de sa dernière allocution, prenant l’ensemble de la communauté éducative de court. Cette fois-ci, sans s’abriter derrière les recommandations des scientifiques, qui avaient pesé pour la fermeture des établissements scolaires. Mais avec un argument social  : « C’est pour moi une priorité, car la situation actuelle creuse les inégalités. »

La fameuse continuité éducative vantée par Jean-Michel Blanquer a laissé, il est vrai, de nombreux enfants sur le côté du chemin. Entre 5 et 8% des élèves, selon les chiffres cités par le ministre, n’auraient pas donné de leurs nouvelles depuis la sortie des classes, le 13 mars. C’est particulièrement flagrant dans l’enseignement professionnel. Et cela aurait frappé le président de la République, à en croire l’un de ses conseillers : « Emmanuel Macron a vu les inégalités territoriales et sociales qui menacent la continuité pédagogique pour un certain nombre d’élèves. Cela crée une véritable bombe à retardement pédagogique. » Ce serait même « l’angle fondamentall » de sa décision.

"C’est simple, c’est impossible de reprendre le travail si l’on a ses enfants à la maison", résume un responsable de la majorité

Angle fondamental ou mesure calculée ? Car c’est bien entendu l’impératif économique qui a également guidé ce choix. « Le déconfinement, c’est comme un jeu de dominos. Vous ne pouvez pas déconfiner l’emploi si vous ne déconfinez pas les enfants », reconnaît un député LREM influent. « Vous vous rendez compte des chiffres ? On a déjà perdu 120 milliards et gagné près de 10 millions de chômeurs de plus. Et c’est simple, c’est impossible de reprendre le travail si l’on a ses enfants à la maison, résume un responsable de la majorité. Quand vous êtes dans une séquence comme celle-là, tout le monde a peur de faire un pas en avant, mais il faut bien prendre ses responsabilités. Faire repartir le pays n’est même pas une option. » Plus question de présenter les enfants, à l’instar d’Emmanuel Macron le 12 mars, comme ceux qui, « selon les scientifiques, propagent le plus rapidement le virus ». Un interlocuteur régulier du chef de l’État peste : « On a vu que les scientifiques ne sont d’accord sur rien. » Le corps médical reste en effet très divisé sur la contagiosité des plus jeunes (lire ci-dessous).

Quoi qu’il en soit, voilà les écoliers à la proue de la doctrine de déconfinement, ou plutôt de son embryon, énoncée péniblement dimanche soir par Edouard Philippe. Celle-ci tient en deux commandements souvent contradictoires. « Préserver la santé des Français » et, en même temps, « assurer la continuité de la vie de la Nation ». Une continuité qui empruntera en mai, on l’a compris, le chemin de l’école.

Vent de panique

A en croire les responsables syndicaux, l’annonce présidentielle a d’abord semé un vent de panique rue de Grenelle. « Je crois que Jean-Michel Blanquer a été très surpris du scénario proposé par le chef de l’Etat. On n’était pas du tout dans cette dynamique », confie Francette Popineau, secrétaire générale du Snuipp-FSU. « On parlait plutôt d’un retour extrêmement mesuré à partir de juin, confirme Claire Guéville, représentante du Snes-FSU. Et ça, on nous l’a dit le dimanche soir, la veille de l’allocution d’Emmanuel Macron ! » Dans l’entourage de Jean-Michel Blanquer, on assure pourtant que le ministre était bien dans la boucle. N’avait-il pas lui-même envisagé le premier, il y a un mois, un retour à l’école au début de mai ? « La facilité aurait été de plaider pour septembre », souligne-t-on encore au ministère de l’Education nationale.

Jean-Michel Blanquer a tracé mardi les pistes de cette opération inédite de déconfinement scolaire, qui suivra un déroulé très progressif. La rentrée du 11 mai ne concernera que le primaire, tandis que le secondaire attendra la semaine suivante. Et à l’intérieur des différents degrés, un ordre a été établi  : priorité aux élèves de grande section, CP, CM2, sixième, troisième et terminale, soit les classes charnières du cursus scolaire. Enfin, pas question de faire entrer autant d’enfants dans une salle qu’en temps normal  : les enseignants travailleront en groupes réduits, par demi-classes. Et pour garantir la sécurité des enfants et des personnels lors de cette rentrée pas comme les autres, « il y aura une doctrine sanitaire au niveau national », affirme-t-on au ministère. Avec ce défi de taille : parvenir à faire respecter les gestes de prudence par des gamins que l’on devine d’avance un peu excités par les circonstances…

« Ce sera une vraie-fausse reprise et ça nous complique un peu la vie. »

Philippe Vincent, secrétaire général du SNPDEN

L’annonce présidentielle est sauve, ou presque  : quelques élèves avec cartable au dos devraient bel et bien pointer leur museau à l’école le 11 mai. Même si, « jusqu’à la fin du mois de mai, ce sera une période de montée en puissance », temporise-t-on rue de Grenelle. Une fois le scénario théorique posé, reste le casse-tête de l’organisation concrète. « Ce sera une vraie-fausse reprise et ça nous complique un peu la vie », soupire Philippe Vincent, proviseur d’un lycée d’Aix-en-Provence et secrétaire général du SNPDEN, le principal syndicat des chefs d’établissement. Qui pose au moins cette condition : « Il faudra que les collectivités territoriales remettent leurs agents à disposition, c’est le minimum. »

Inquiétude des maires

Justement, les élus locaux émettent de sérieux doutes sur cette reprise, même échelonnée, eux qui doivent assurer l’entretien des locaux, la restauration ou encore les transports scolaires. « Je ne vois pas comment on peut rouvrir les écoles le 11 mai », a ainsi fulminé la maire de Lille, Martine Aubry, après l’annonce d’Emmanuel Macron. « C’est une décision politique, prise sans avis du conseil scientifique. J’en prends acte, mais je m’interroge, gronde Jean-François Debat, le maire socialiste de Bourg-en-Bresse, dans l’Ain. C’est au gouvernement d’assumer la responsabilité de sa décision. Est-ce qu’il y aura des mesures spécifiques de protection ? Est-ce que nous aurons des masques pour les enfants et les enseignants ? Tous ces sujets doivent être discutés avec les élus. Et pas la semaine précédant le 11 mai, mais dès maintenant ! » Même urgence pour Caroline Cayeux, maire divers droite de Beauvais et présidente de l’association d’élus Villes de France : « Le 11 mai ne semble pas réaliste. Comment va-t-on faire pour l’accueil ? Pour la cantine ? Ça me paraît très difficile à mettre en œuvre. » Laurent Hénart, maire de Nancy et patron du Mouvement radical, est moins sévère : « Il fallait bien déterminer une date. Deux mois d’école ne seront pas de trop pour les élèves qui en ont le plus besoin. L’essentiel, c’est la progressivité, ce qui suppose d’identifier des critères pour savoir qui sera scolarisé ou pas. »

Chez Blanquer, on se veut rassurants  : « A chaque étape, il y a le soupçon de la désorganisation. Regardez le bac, on disait que ce serait le bordel et que ça partirait dans tous les sens. Finalement, la formule en contrôle continu a été bien acceptée. » Reste à convaincre les parents d’élèves. Le week-end dernier, selon un sondage OpinionWay pour les Echos, moins d’un tiers des Français pensaient que les établissements scolaires seraient prêts à accueillir les élèves à partir du 11 mai. Preuve que l’opinion publique n’a pas vraiment pris au sérieux l’optimiste promesse d’Emmanuel Macron.

Aucune certitude sur la contagiosité des enfants

Du côté des enseignants comme du reste du personnel de l’Education nationale, on craint avant tout la contamination par les enfants. « Nous avons une épidémie extrêmement active, constate le docteur Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF). Si on ouvre les vannes largement, en rouvrant les écoles massivement, il est clair que les enfants seront à l’origine d’une recrudescence et donc possiblement d’une deuxième vague de contamination. Mais à l’heure actuelle, les enfants sont bien souvent asymptomatiques, et il semblerait qu’ils soient assez faiblement contagieux. Pour autant, nous n’avons que très peu de données et donc de certitudes à ce propos. » Les différentes publications scientifiques utilisent en effet toujours le conditionnel quand il s’agit de répondre à cette question. Si les épidémiologistes se retrouvent sur le fait que le caractère asymptomatique des enfants pourrait accroître la possibilité qu’ils puissent être des facilitateurs de la transmission virale, l’incertitude demeure. Parmi les indices qui laissent augurer d’une faible contagiosité, le pédiatre et infectiologue Arnaud L’Huillier cite notamment le fait que le coronavirus « affecte surtout les voies respiratoires profondes et ne fait pas couler le nez », ce qui, chez les populations les plus jeunes, est un « vecteur de dissémination important des pathogènes ». Source d’espoir ? « En réalité, le plus inquiétant, c’est que l’on ne connaît rien de ce virus. Et quand on croit le cerner, on finit par s’apercevoir qu’on fait fausse route, souligne le président de la FMF. Et c’est d’autant plus vrai pour les enfants. »

Source : Marianne.net


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